France : Le président de la république bientôt tiré au sort

Publié le par Abdelkarim Chankou

France : Le président de la république bientôt tiré au sort
L’affaire sans précédent dans les annales de la Ve république des « emplois fictifs » parlementaires dite « Affaire Pénélope » va non seulement perturber sérieusement la dernière ligne droite de la course vers l’Elysée, pour la droite comme pour la gauche ainsi que pour leurs deux extrêmes sans oublier évidemment les sans partis fixe (SPF) comme le candidat Emmanuel Macron mais elle va marquer une nouvelle vie pour la politique française. Ce n’est pas une Ve république mais ça y ressemble fort. Avec la nuance qu’au lieu que cette Ve république soit une optimisation de la Ve comme ce devrait être le cas elle risque d’être une détérioration de l'actuelle forme du régime politique républicain instauré par le général de Gaulle dont la nouveauté majeure par rapport à la IVe est l’affranchissement du président de la république de la tutelle parlementaire en renforçant ses pouvoirs exécutifs par son élection à la magistrature suprême par le suffrage universel. En clair depuis 1958, le président de la république française n’est plus l’homme d’un camp ou d’une corporation politique mais celui de tous les français. Un acquis précieux. Mais qui risque donc de passer à la trappe avec cette affaire Pénélope révélée par le Canard enchaîné et le site Mediapart. Pas la peine de rentre dans les détails, que l’épouse et deux fils du candidat de droite et du centre aient bénéficié ou non d’emplois fictifs comme attaché parlementaire de leur père et de son suppléant Marc Joulaud peut importe. Ce n’est pas notre propos en tout cas. Ce qui nous intéresse ici c’est surtout les retombées de cette histoire sur les piliers fondateurs de la Ve république. Désormais tout candidat futur à la présidence de la république devra se mettre dans la tête qu’un grain de sable peut surgir à tout moment pour gripper sa marche vers le palais. Par leur nature les informations publiées par le Canard enchaîné sur la famille Fillon dépasse le cadre normal d’un travail d’investigation journalistique fusse-t-il celui de l’hebdo satirique fondé par Maurice et Jeanne Maréchal. Ça sent le fouillis propres aux officines de l’ombre… Dès lors cette épée de Damoclès va contraindre les futurs candidats à la présidence à porter des programmes électoraux les plus consensuels qui soient, c’est-à-dire qui en plus de refléter la volonté du parti dudit candidat ne fustige pas ceux du camp adverse ni renonce aux réalisations- du moins majeures- des rivaux sortants ! On dira à quoi bon une élection présidentielle dans ces conditions ? Juste. Et il faudra dorénavant faire avec.
EPEE DE DAMOCLES
Tout candidat qui dérange trop est candidat à la trappe. Ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre de cette affaire Pénélope auraient pu sortir une même affaire il y a 5 ans contre Hollande. Imaginez que Hollande est candidat pour cette élection présidentielle et que son histoire de scooter nocturne surgit en pleine course je suis presque sûr qu’il aura autant d’ennuis que Fillon même si les deux affaires sont différentes. Seulement en 2012, à part le scandale (Bygmalion) du financement illégal de la campagne électorale de Sarkozy , les choses étaient différentes. Les Français n’étaient pas encore très regardants les mœurs de leurs hommes politiques ni sur la gestion de l’argent public même quand les sommes mises en jeu perçues indûment pour un service rendu et sur une dizaine d’années sont inférieures à ce que l’on peut gagner en quelques minutes à Euromillion. Autrement dit, depuis 5 ans la machine moralisatrice des réseaux sociaux aidant, un sou public est devenu plus qu’un sou. Bref dans peu de temps le profil du candidat idéal au Nᵒ 55, rue du Faubourg-Saint-honoré, n’aura rien à envier à celui requis pour remplir la fonction du guide suprême en république islamique d’Iran ou membre à la cour suprême des Etats-Unis d’Amérique. Or l’expérience a montré que dans les démocraties latines il n’y a pas corrélation entre morale et éthique d’un homme politique et la qualité de son rendement sauf quand la personne dépasse le seuil de tolérance par ses frasques comme Slivio Silvio Berlusconi . Feu François Mitterrand malgré sa passion secrète pour l’argent, sa fille naturelle Mazarine, sa maladie cachée etc. il était un bon président. « Qu’est-ce que vous croyez qu’est l’Etat ? lança le président de la République. C’est le reflet de la société, c’est toujours difficile, les hommes sont les hommes et chacun d’entre nous commet des erreurs et l’essentiel, c’est que ce ne soit pas des fautes, et que l’on ne s’obstine pas... », lâchait le défunt au détour d’un entretien télévisé, en direct du palais de l’Elysée le 4 février 1992, pour expliquer son attitude face aux affaires qui ont émaillé ses deux septennats. Alors pourquoi faire toute un fois d’une histoire de quelques dizaines de milliers d’euros quand les défis du moment sont infiniment plus grand ? Je n’irais pas jusqu’à dire que la croisière s’amuse mais dirai que le bateau est ivre. Qu’à Dieu ne plaise en tout cas! Mais cette histoire qui aurait pu être sortie avant le premier tour des primaires, redisons-le, abaisse la qualité du débat politique et tue tout espoir d’une démocratie d’idée et non de camps. C’est cela la détérioration de la Ve république annoncée au début de cet article. Rien de plus létal pour une démocratie à peine soixantenaire que la chasse au cadavre dans les placards surtout que chacun de nous a son jardin secret à moins d'être le pape. Les primaires consacrent un candidat unique d’une corpo de partis et durant la campagne électorale de ce prétendant sa crainte de tomber sur un os balise son parcours et conformise son programme. Au final on a au moins deux candidats favoris qui parlent le même langage. Voir plus. Et comme dirait l’autre quand tous les candidats se valent il n’y a qu’à les tirer au sort. Mais cette forme de redondance a un vilain effet pervers : elle favorise les extrêmes…. et les abus. Tiens qui est le prochain candidat à crucifier ?

Publié dans Opinion

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