Gaza ou l’auberge espagnole
Depuis le début des hostilités le 27 décembre dernier entre le mouvement Hamas et Israël, Gaza fait figure d’une auberge espagnole ou d’un marché aux puces pour certains dirigeants arabes et turques : chacun y vient avec ses pensées inavouées ou sa camelote à vendre. Tour d’horizon.
L’émir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani, ne cesse d’appeler à un Sommet arabe extraordinaire pour notamment soutenir Gaza et décider du gel du processus de paix avec Israël ! En fait celui qui a pris le pouvoir en renversant son père en 1995 a juste besoin d’un peu de cire pour reluire ses blasons. En appelant à la tenue du Sommet, l’émir espère décrocher le titre de président de la ligue des Etats Arabes qui est plus prestigieux que celui de lauréat de l'Académie royale militaire de Sandhurst. Mais à l’appel du cheikh seul onze pays arabes sur 21 ont répondu présents.
Tout en s’autoproclamant ambassadeur de bonne volonté dans la crise entre le Hamas et Israël, le premier ministre turc Recip Erdogan prend parti pour le premier protagoniste. C’est normal pour un Musulman dont les ancêtres ottomans ont été chassés de la Palestine par les Britanniques soutenus par les Européens. Mais Erdogan a d’autres objectifs inavoués. Dont les deux principaux sont d’un côté, s’ériger en acteur de poids face aux Européens, surtout la France qui ne veut pas d’une Turquie membre de l’Union européenne ; et de l’autre montrer à la résistance kurde, retranchée en Iran et en Irak, que la guerre que leur livre impitoyablement Ankara est le fait de l’institution militaire et non de son parti islamiste AKP.
Les vociférations pro Hamas de l’islamiste Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général du FLN (Front de libération nationale) et le représentant personnel du président algérien Abdelaziz Bouteflika, ne visent que deux objectifs à peine voilés :
Un : rappeler que le FLN comme le Hamas avait livré bataille contre l’occupant français en y laissant plus d’un million de martyrs (chiffres algériens).
Deux : montrer qu’Alger tient à son principe, celui de soutenir tous les mouvements d’indépendance dans le monde (sauf les Kosovars).
Les gesticulations médiatiques du général mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz et son empressement à rappeler son ambassadeur en Israël ne se justifient que par l’espoir du nouveau pouvoir putschiste à Nouakchott, que la communauté internationale ne reconnaît pas, de sa faire une virginité vis-à-vis de son peuple et les peuples arabes.
Le président vénézuélien Hugo Chavez saute sur l’occasion de Gaza en expulsant l’ambassadeur israélien qu’il soupçonne avoir pris le relais de son collègue américain que Chavez avait expulsé quelques semaines plutôt et ce dernier accusait entre autres de comploter contre lui.
Quant au tonitruant et imprévisible colonel Kadhafi qui critique ses collègues arabes pour leur « inertie » et leur demande à laisser passer des volontaires pour aller combattre Israël, la seule force qui le mue est la même depuis le 1er septembre 1969, date de sa prise de pouvoir par la force : occuper les devants de la scène mondiale et rester l’unique vedette du Monde rabe et d’Afrique ; or les hostilités entre le Hamas et Tsahal lui font de l’ombre. Pauvre Kadhafi.
On peut continuer la liste en citant aussi le cas du général soudanais Hassan El Bachir accusé par la communauté internationale de génocide, mais notre but n’est pas d’être exhaustif, mais seulement de montrer que la guette entre le Hamas et Tsahal arrange beaucoup de monde. Mais, hélas, certains pays y ont déjà trouvé leur compte, entre autres les Iraniens qui désormais peuvent dormir tranquilles pour un bout de temps.
Photo : manifestation féminine, le 19 avril 2008, face au Passage Erez à Gaza