Vivre au Qatar ou la dernière tentation de crise

Publié le par humanite.fr

Tim Noonan est un journaliste-reporter indépendant. Porte-parole de la Confédération syndicale internationale et auteur entre autres d’un rapport sur les conditions de vie des travailleurs immigrés au Qatar, il livre ses impressions au site internet du quotidien français l'Humanité sur la vie dans l'émirat. Interview.

  

 

Monde - le 7 Mars 2012

Golfe persique

Qatar. « Des conditions proches de l’esclavage » (Titre d'origine)
Mots clés : football, qatar,

 

 

Quelle est la situation 
de la main-d’œuvre étrangère au Qatar ?

Tim Noonan. Le Qatar attire chaque année des milliers d’employées domestiques et d’ouvriers du bâtiment. Plus de cent milliards de dollars de dépenses en infrastructures sont prévues pour l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022. Un million d’ouvriers supplémentaires seront nécessaires. Les conditions sont très difficiles. Il faut imaginer travailler au trentième étage d’une tour en construction sous 50 degrés. Nous savons qu’une centaine de Népalais décèdent chaque année de crises cardiaques liées aux fortes chaleurs. Les syndicats, 
les négociations collectives 
et les grèves sont interdits. 
Les logements sont des dortoirs sordides. Ces travailleurs sont traités plus ou moins comme 
des esclaves.

 

Combien sont-ils payés ?

Tim Noonan. C’est très variable mais c’est de l’ordre de 200 dollars pour une servante, 300 dollars pour un ouvrier du bâtiment. La moitié des travailleurs asiatiques ont dû s’endetter pour régler des droits d’inscription d’environ 550 dollars auprès d’agences de recrutement dans leur pays. Sur place, ils doivent signer un nouveau contrat de travail dans une autre langue avec un salaire parfois revu à la baisse, qu’ils peuvent mettre des mois à toucher car les retards de paiement sont fréquents.

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Illustration ajoutée par Croque cactus

Qu’est-ce que la kafala, 
ce système que vous dénoncez dans votre rapport ?

Tim Noonan. C’est le contrat de travail qui vous lie avec votre employeur. Pour venir au Qatar, toute entreprise a besoin d’un partenaire local. Si celui-ci rompt ce contrat, vous vous retrouvez du jour au lendemain sans rien. Si ce partenaire ne vous délivre pas un permis de sortie ou ne vous restitue pas vos papiers, vous pouvez rester bloqué dans le pays sans argent. C’est la pire des situations.

 

Y a-t-il eu des avancées 
ces dernières années ?

Tim Noonan. Le premier ministre a évoqué l’abrogation de la kafala. Il est question de créer un endroit pour les ouvriers afin d’améliorer leurs conditions de vie. C’est évidemment bienvenu mais ceux-ci risquent d’être mis encore plus à l’écart. L’émir a dit que les salariés devaient avoir le droit de se syndiquer mais pour le moment cela ne s’applique qu’aux Qatariens. Les autorités ont également parlé de créer un comité d’une cinquantaine de personnes, nommées par le pouvoir, pour défendre les droits des travailleurs étrangers. C’est inacceptable. Cela pourrait même être un pas en arrière. Nous sommes très clairs. Nous demandons au Qatar de ratifier les conventions sur les libertés d’association et les droits 
de négociation collective. 
Tant que cela ne sera pas fait, 
nous ne pourrons rien régler.

 

Prônez-vous toujours le boycott 
du Mondial 2022 au Qatar ?

Tim Noonan. Nous avons rencontré la Fifa à propos de la construction des stades. Elle nous a écoutés et a indiqué qu’elle souhaitait travailler avec nous pour améliorer la législation au Qatar. D’autres réunions sont prévues. Mais si le Qatar ne bouge pas, alors nous lancerons une campagne de boycott de la Coupe du monde 2022. Nous demanderons à la Fifa de trouver un autre pays organisateur...

 

Entretien réalisé par D. R.

Publié dans On en parle

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