La spirale de l’endettement des ménages menace la cohésion sociale au Maroc

Publié le par Abdelkarim Chankou

 

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La sainte triade qui a été le vrai calmant pour le Marocain moyen depuis des décennies est en train de voler en éclats. Ses trois composantes matérielle, morale et sexuelle ne jouent plus ce rôle tampon nécessaire à l’équilibre de soi et par extension celui de la société toute entière. Dans l’ordre le Marocain moyen ne mange plus ce qu’il veut comme il veut, et n’épargne plus assez d’argent pour les mauvais jours. Alors qu’il y a une vingtaine d’années,  le ménage moyen pouvait s’empiffrer à volonté autour d’un couscous ou tagine à moindre frais sans se soucier des factures d’Internet, des trois smartphones, des vignettes des deux voitures et leurs pleins d’essence etc., ce qui peut lui permettre d’épargner  un peu d’argent pour les coups durs, aujourd’hui il est acculé à avaler à la sauvette des sandwichs rapides et insipides  à deux sous, et le plus souvent debout, pour sauver assez d’argent afin de payer tous les autres gadgets de la vie moderne qui de surcroît créent un ressenti de la vie chère, non moins dangereux pour la cohésion sociale et l’équilibre mental. Cet état de fait se répercute inéluctablement  sur le moral des ménages que le crédit étrangle de plus en plus. Selon la dernière note de Bank Al Maghrib, « les crédits bénéficiant aux ménages ont totalisé, à fin 2012, un encours de 256 milliards de dirhams, en hausse de 9,5 % par rapport à fin 2011, où le taux était de 8,4%. »

Une tendance à l’endettement qui n’a aucune chance de fléchir du moins à court terme. Car là aussi la forte pression médiatique et sociétale qui s’exerce sur les jeunes adultes pour les pousser à se conformer absolument au modèle dominant du couple moderne et branché, habitant un bel appartement de 150 m2, habillé à la mode et qui roule en voiture mauve ou vert pomme avec un caniche sur la banquette arrière fait que ces jeunes en âge de mariage font tout pour s’approprier ces attributs sociétaux de la réussite avant toute chose, quitte à contracter un triple crédit : logement, auto, mobilier. En effet, de nos jours, même les jeunes couples fauchés comme les blés n’accepteront pas de crécher chez leurs parents. Même pour dépanner. C’est devenu hchoma !

Résultat une majorité des Marocains vit à crédit au jour le jour en hypothéquant son avenir dans une optique de gel des salaires, d'essoufflement des banques en mal de dépôts, de baisse des transferts des MRE et des exporatations et de faillite des caisses de retraite dans 6 ou 7 ans, alors que l’investissement dans la progéniture n’est plus vraiment sûr ; à savoir que ces derniers, faute d’une éducation efficace (sauf à se ruiner davantage en les mettant dans des super écoles  privées et les missions), vont automatiquement venir piocher dans le maigre porte-monnaie des parents, une fois adultes. Un cercle vicieux qui non seulement ruine les ménages moralement et matériellement  mais dope la contestation sociale et in fine le consensus national.

 

Publié dans Focus

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